Il pleuvait ce soir-là. Une fine bruine tombait sur les toits gris de la banlieue, et les rues étaient désertes. Marc, en rentrant du travail, entendit un cri aigu venant de la ruelle derrière son immeuble — un miaulement. Faible. Presque désespéré.

Curieux et inquiet, il suivit le son jusqu’à un carton détrempé posé près d’une poubelle. À l’intérieur, une petite boule de poils tremblait de froid. Un chaton, pensa-t-il. Minusculement petit, noir avec quelques taches blanches, et des yeux étrangement clairs pour son âge.
Sans réfléchir, Marc le prit dans ses bras, le glissa sous sa veste, et rentra chez lui.
Il passa la soirée à le réchauffer, à lui donner un peu de lait tiède. L’animal ne faisait aucun bruit, mais le fixait avec des yeux si perçants que Marc en avait des frissons. Pourtant, il le garda près de lui toute la nuit.
Le lendemain matin, il l’emmena chez le vétérinaire pour un contrôle. La clinique était calme, presque vide. Quand ce fut leur tour, Marc posa doucement le « chaton » sur la table métallique.
Le docteur Girard s’approcha, souriant comme à son habitude… mais en observant l’animal de plus près, son visage changea. Lentement. Son sourire s’effaça, son teint devint livide.
— «Où avez-vous trouvé ça ?» demanda-t-il, d’une voix basse.
— «Dans une ruelle, près de chez moi. C’est… pas un chat ?»
Le vétérinaire s’écarta d’un pas, comme par instinct.
— «Ce n’est pas un chaton, monsieur. Et ce n’est pas… naturel.»
Il montra les pattes — cinq doigts, presque humains. Les yeux — à pupille verticale, mais sans reflet sous la lumière. Et sous le pelage, une peau grise, froide. L’animal — ou ce que c’était — le fixait en silence.
— «J’ai vu ça une seule fois. Il y a vingt ans. C’était avant qu’un patient disparaisse… sans laisser de trace.»
Marc sentit un frisson glacer sa nuque.
Le « chaton » sauta soudain de la table. Il ne courut pas. Il marcha. Droit. Comme s’il comprenait chaque mot. Puis il se retourna, et ses yeux brillèrent d’une lueur étrange.
Sur la table, restait une seule chose : un petit symbole dessiné avec la condensation. Un œil entouré de griffes.
Depuis ce jour, Marc ne l’a jamais revu.
Mais parfois, la nuit, il entend ce miaulement… juste derrière sa porte.